***Article(s) en date du 2.2.07***

De l'art de démolir une classe

On a bien rigolé.

Hier, première session de conseil de classes où je me retrouve en tant que prof et plus en tant qu'élève ou délégué. Tous mes collègues m'avaient dépeint un univers sombre et déprimant, une soirée interminable à enchainer les classes de manière mécanique et rébarbative. Ces mises en gardes, couplées à mes propres souvenirs de délégué de classe --il y a longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine-- ont réussi à me mener vers cette fameuse soirée en trainant un peu les pieds (surtout que même en tirant sur la corde, il a fallu que je déconnecte WoW à moins d'une puce du lvl 67... On peut pas pexer tranquille ! Mais bon : je vous rassure, j'ai fini mon niveau en rentrant ^^).

Eh bien en fait, on a bien rigolé. Je crois que le secret c'est d'être sérieux sans se prendre trop au sérieux, et surtout de s'assoir à côté de collègues qu'on apprécie et avec qui on rigole bien d'habitude (coucou Laetitia). Ca occupe pendant les passages à vide, hehehe... Nous avons notemment bien rigolé en essayant de déchiffrer le langage d'un autre collègue, qui employait à tort et à travers le mot "palmé" ou "palmée" pour parler des élèves. J'ai beau être fan des ornithorynques, je sais néanmoins qu'aucune de mes ouailles n'est croisée avec cet animal. Amusés, la collègue et moi avons rassemblé les indices pour finalement comprendre que le collègue se servait du mot "Palmé" dans le sens "Fainéant".

Puis est arrivé le tour de ma classe à problèmes. Pas une classe que *me* pose problème, mais une classe qui, outre le fait du coup que *je* dois leur poser problème, huhuhu, a de gros, gros, GROS soucis dans ma matière. Un classe de deuxième année dont le niveau moyen est inférieur à la plupart de mes classes de première année... Et qui n'a pas l'air de me croire quand j'essaie de les secouer à ce sujet en cours, et qui est convaincue que s'ils ont des sales notes c'est parce que je suis un vil professeur sadique voué à leur perte et sorti de l'enfer pour les tourmenter, tel un Chillingworth moderne dédié à l'enseignement de l'anglais plutôt qu'à l'étude des plantes.

Je me suis donc dit qu'en répétant mes gros warnings (c'est pour eux, hein, pas pour moi, c'est eux qui vont le passer, le BTS...) pendant le conseil de classe, ils verraient que c'est pas juste une technique à la con en cours pour avoir un peu plus d'attention. Donc à l'arrivée des deux délégués, je me propose de prendre la parole en premier, persuadé que du coup en commençant par le plus négatif, ca permettrait de pas trop les enfoncer, par rapport aux autres matières. Ca partait d'une bonne intention, histoire qu'ils aient du mieux de la part des collègues après leur passage au pilori.

Le problème, c'est que tous les collègues, sans exception, ont rebondi sur mes vitupérations pour absolument démolir la classe. J'avoue que je ne m'imaginais pas du tout que leur niveau était aussi catastrophique dans les autres matières (générales et professionnelles) qu'en anglais. Et on pouvait voir petit à petit les visages des deux délégués se décomposer, de prof en prof, de matière en matière. Et pourtant, comme souvent, c'étaient pas des mauvais bougres les délégués, parmi les meilleurs éléments de la classe -même si dans cette classe, "meilleur" pour un élève signifie "élève moyen"-... L'une des deux avait même les larmes aux yeux à la fin du tour de table. C'était un moment assez intense, grave, et difficile...

... Jusqu'au moment où la responsable pédagogique s'est retournée vers les délégués pour conclure sur un "en tout cas, il est clair qu'en termes de manque de travail personnel, votre classe a décroché la palme".

Et là c'était foutu. Mon regard a croisé celui de ma voisine, et j'ai violemment enfoncé mes ongles dans ma paume pour ne pas éclater de rire. Je ne sais pas quelle a été la méthode de ma voisine, mais il est clair qu'elle aussi a dû user de moult stratagèmes pour ne pas se bidonner. Mais je pense que c'est aussi parce que tout le monde était vraiment d'humeur maussade et sombre après le passage au pilori de cette classe, et que les corps et les esprits devaient chercher une échappatoire à tout prix, et le rire est souvent le plus fort des mécanismes de défenses de la psyche.

En tout cas la responsable pédagogique a dû lire notre combat contre le fou rire sur nos visages parce qu'elle nous a fait de groooooooooos yeux jusqu'au départ des deux délégués où on a pu se lâcher (et où on a dû expliquer aux collègues le pourquoi du comment). Mais que voulez vous, j'ai beau être prof, je reste néanmoins un sale djeuns, et un rebelz :)... Mais du coup plutôt que de l'appréhension, j'attends plutôt avec curiosité la soirée des conseils de classes de mardi prochain, où ce sera cette fois le tour des premières années.

Je vous laisse donc pour l'instant, on verra si ce conseil me motivera aussi à composer une note pour en parler. And now for something completely different : dans 14 jours je serai en train de déambuler à London. Le compteur tourne. Et je couronne les deux oraux de Master dont j'ai parlé il y a quelques temps d'un double 14 plutôt satisfaisant compte tenu des conditions de mon passage. 14 sera donc le chiffre du jour. Sauf que je n'ai pas de rubrique "le chiffre du jour" ici, donc je vous laisse avec les habituels :

La citation du jour : "Mais c'est vrai que ça fait peur..."
La citation bonus du jour : "Hân tu me dégoûtes ! Je pourrais être ta mère !"
La chanson du jour : Le fou rire, Bénabar, "Un fou rire à un enterrement, je m'en veux, je m'en veux vraiment, c'était nerveux sûrement, en tout cas c'était pas l'moment ! [...] Dos voûtés, têtes baissées, j'ai honte à le dire, on poussait des petits cris étouffés, on était morts de rire."

Même si c'es parfois dur de rester sérieux même dans les moments graves, la vie est belle !

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***Article(s) en date du 17.1.07***

Etude de texte, le retour de la vengeance

Partiels de Master aujourd'hui, et ça fait bizarre de se retrouver de l'autre côté de la barrière, côté élève, lorsqu'on a passé presque 5 mois non-stop côté professeur. Néanmoins, je suis plutôt content de ma prestation, et, si l'on considère que pour l'un des oraux j'ai récupéré les cours moins de deux heures avant l'oral, c'est une belle performance. Surtout que je l'ai très bien réussi, l'oral en question. Comme quoi...

Du coup, après avoir composé deux heures ce matin sur une étude de texte (deux heures, c'est court quand on adore l'oeuvre en question et qu'on a plein de choses à dire dessus), je me suis dit qu'il fallait quand même que je me décide ENFIN a faire une nouvelle étude littéraire sur ce blog. D'autant que je vous promets cette étude depuis plus d'un an.

Alors sans plus tarder, et sans fioritures aucunes, tournons nous maintenant sur ce traité de philosophie moderne contenue dans la chanson engagée et avant-gardiste composée par David Marouani (pour la musique) et Pascal Auriat assisté de l'ineffable Didier Barbelivien (pour le texte qui dénonce) : "Est-ce que tu viens pour les vacances", interprétée de main de maître par ce duo trop vite sombré dans l'oubli médiatique : David et Jonathan.

T'avais les cheveux blonds

On commence très fort. Ce qui pourrait sembler être une banalité révèle un drame : la personne dont on parle *AVAIT* les cheveux blonds. On pense donc tout de suite à la chimiothérapie, la maladie qui vient d'insérer dans une histoire d'amour et... ah, merde, pardon, c'est pas Bachelet qui chante. Elle a simplement dû se teindre les cheveux.

Un crocodile sur ton blouson

Lacoste, c'est top mode.

On s'est connu comme ça
Au soleil, au même endroit

Et là, on comprends qu'ils ont eu de la chance, les bougres. Ils auraient pû se connaître à un endroit différent, et qui sais ce qui se serait alors produit. Probablement rien, remarquez. Pas de boom d'Internet en 1988, donc s'ils s'étaient rencontrés en étant, par exemple, l'un à Biarritz et l'autre à Tombouctou, y'aurait peut être pas eu de chanson. Et finalement, c'aurait pas été plus mal. Mais je m'égare.

T'avais des yeux d'enfant

Là encore, on note que ce n'est plus le cas. Normal : elle a vieilli.

Des yeux couleur de l'océan

Bon, je sais que ce passage est très difficile, donc je vais essayer de l'expliquer avec des mots simples pour ceux d'entre vous qui n'ont jamais fait d'études littéraires. En gros, il essaie de nous insuffler inconsciemment le concept abstrait selon lequel ses yeux seraient bleu. Oui je sais, c'est pas forcément évident comme ça le lien entre l'océan et le bleu, et l'originalité est telle qu'on n'a jamais vu un tel parallèle dans aucune autre oeuvre populaire, mais bon, c'est censé s'adresser à votre inconscient hein, et croyez moi, ça veut vraiment dire qu'ils sont bleu.

Moi pour faire le malin
Je chantais en Italien

Et c'est là une belle preuve de courage. Parce qu'on imagine que la personne à qui il s'adresse ne parle pas italien, elle. Donc il pourrait lui dire n'importe quoi. Comme quoi il aime bien la rondeur de ses seins, ou qu'il a mangé trop épicé et qu'il doit aller aux toilettes d'urgence. Mais surtout, quand on vous parle dans une langue que l'on ne comprends pas, cela limite sacrément la communication, et ça a en plus tendance à agacer. Sachant que visiblement il veut l'attirer dans son lit, il est courageux, David.

Est-ce que tu viens pour les vacances
Moi je n'ai pas changé d'adresse

Incroyable force dychotomique dans ces deux lignes. En effet, s'il est en vacances, c'est qu'il n'est manifestement pas chez lui. Donc à la limite, on s'en fout, qu'il n'ait pas changé d'adresse, non ? S'il a la même adresse, mais qu'il ne va pas au même endroit en vacances, ça ne va pas les aider. Et ils risquent de se re-rencontrer dans un endroit différent. Drame.

Je serai je pense
Un peu en avance
Au rendez-vous de nos promesses

Apparemment, leurs promesses respectives se sont données rendez vous quelque part. Quelqu'un a filé un tuyau à David (probablement Jonathan, vu la métaphore qui se cache dans cette affirmation) et il a décider d'aller les espionner. En avance, apparemment, ce qui ne servira pas à grand chose, s'il sait l'heure précise du rendez vous. Sauf s'il veut se cacher. Drame.

Je reviendrai danser
Une chanson triste, un slow d'été

Malheureusement, il ne s'est pas contenté de revenir danser : il a aussi jugé bon de chanter...

Je te tiendrai la main
En rentrant au petit matin

Là encore on peut voir dans cette affirmation la portée dramatique de l'oeuvre. Cette mystérieuse personne, pourquoi lui tient-il la main au petit matin ? Il pourrait la prendre dans ses bras, l'enlacer, mais non, juste la main. Ou alors, c'est parce qu'il la retient, alors que la personne cherche désespérément à le fuir. Drame.

C'que j'ai pensé à toi
Les nuits d'hiver où j'avais froid

La mise en parallèle de cette information avec celle du slow d'été nous permet de déduire ici que la fameuse rencontre n'a pas eu lieu pendant des vacances au ski. On remarque aussi que en journée, ainsi que pendant tout l'automne et le printemps, il n'en a absolument rien eu à foutre, de la personne en question. Il aurait mieux fait de rencontrer une bouillotte.

Attention, je vous demande un peu de sérieux et de concentration, nous arrivons au passage clef de l'oeuvre, très complexe, il va falloir s'accrocher :

J'étais un goéland
En exil de sentiments

Un goéland en exil de sentiment. La comparaison est forte, racée. Elle ne veut rien dire, du tout, mais essayons quand même. "J'étais un goéland". Fort heureusement pour lui, ça n'est plus le cas. Malheureusement pour nous, car un goéland, ça ne chante pas. Ou en tout cas on en fait pas de CD. Ou alors on ne les trouve que chez Nature & Decouverte, mais en tout cas on ne l'entends pas à la radio. Remarquez, de nos jours non plus on n'entends pas David et Jonathan à la radio. Donc l'un dans l'autre....

Mais revenons à nos moutons. Goélands. S'pareil. Donc, il se compare avec un goéland. Une grosse mouette quoi. Et quelle est la caractéristique du goéland ? Ca gueule, un cri absolument strident, dissonnant, insupportable. Pour une fois, Barbelivien s'est surpassé dans la métaphore. Si c'est volontaire. Gageons que si ça l'est, David n'a pas compris.
Ce goéland n'a de plus pas de chance : il est en exil de sentiments. On ne s'attardera pas sur la tournure un peu pesante visant à être en exil de quelque chose. Mais on s'intéressera, plutôt que sur la forme, sur le fond : en exil de sentiment, cela veut dire qu'il n'en a plus. De sentiments. Ce qui, discrètement, nous prépare au pont final servant de conclusion au chef d'oeuvre :

Est-ce que tu viens pour les vacances
Moi je n'ai pas changé d'adresse
Je serai je pense
Un peu en avance
Au rendez-vous de nos promesses

Amour d'enfance
D'adolescence

David et Jonathan n'étant plus particulièrement des adolescents quand ils chantaient cette chanson (19 ans et 20 ans, respectivement), soit les souvenirs remonte à longtemps et ils attendent désespérément quelqu'un qui leur pose un lapin depuis plusieurs années, soit les fameux yeux d'enfants étaient à prendre beaucoup plus littéralement que prévu. Et le premier qui me sort que c'est l'hopital qui se fout de la charité, je le proutte (oui je sais, je suis clââââssieux en ce moment)

Mais surtout, on termine par :

On dit je t'aime
Et on oublie quand même

Progression logique du cliché. L'exil de sentiment a fait son office, il dit je t'aime mais ne le pense pas. Donc c'est un entchulé.

Pour conclure, on remarquera élégamment qu'à aucun moment de la chanson, un détail particulier pourrait nous faire deviner le sexe de la personne à qui l'on s'adresse. Libre au lecteur de se forger sa propre opinion. Enfin, tant qu'il n'a pas vu le clip quoi... Franchement, vous y croyez au deux filles ? Surtout vu le nom à peine pas innocent du groupe quoi :)

La citation du jour : "Bon bin on n'a plus de Gribouille"
La chanson du jour : The reason, Hoobastank, "I'm not a perfect person, There's many things I wish I didn't do But I continue learning, I never meant to do those things to you And so I have to say before I go That I just want you to know I've found a reason for me To change who I used to be, A reason to start over new and the reason is you"

Même si c'est pas très gentil de ma part de dire ça, le vieux caniche sénile et incontinent a ENFIN passé l'arme à gauche, et du coup, YES, la vie est belle !

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