***Article(s) en date du 28.10.09***

« Et tu, U2 ? » (Extrait de Bono Caesar, acte III, scène 1, par Shakespaul)

Je crois que lundi dernier, je me suis pris dans les dents le premier véritable « coup de vieux » qui m’a fait souffrir. Fidèle lecteur, régulière lectrice, si tu es là depuis longtemps tu sais que depuis quelques années j’ai arrêté le compteur et que le jour de mon anniversaire je fête chaque année mes vingt ans. Si l’on excepte l’anniversaire vraiment tout pourri de cette année, cela donne une bonne excuse pour faire une grosse fête chaque année (parce qu’après tout, on n’a pas tous les jours vingt ans, mais une fois par an, c’est déjà pas si mal).

Alors pourquoi – alors que mon âge est virtuellement cristallisé par mes soins – ai-je senti lundi la menace de l’apparition future d’une ride ou d’un cheveu blanc ? U2.

Depuis mon adolescence, U2 a toujours été l’un des groupes phares de ma cédéthèque. Je crois d’ailleurs que c’est le premier groupe dont j’ai complété l’intégrale en CD achetés avec mes maigres moyens de l’époque, avant The Cure, avant Depeche Mode, avant John Lennon, avant David Bowie. Avant même The Smiths, alors que The Smiths y’a que quatre albums. C’est pour dire.

J’ai appris la guitare sur U2. Non, c’est faux. J’ai appris la guitare sur du Nirvana pour la rythmique et du Metallica pour les solo, comme tout le monde, des trucs super faciles et tout bidons musicalement parlant mais qui « sonnent » bien (parce que tout bidons donc facile à jouer) donc qui te motivent à continuer et impressionnent les copines en soirée. Les dites copines ignorant en général qu’un octogénaire atteint de la maladie de Parkinson serait capable de jouer tout Nirvana à la guitare aussi bien que Kurt Cobain, tellement c’est tout bidon, et te prenant du coup pour un dieu de la guitare alors que tu joues depuis deux mois. Mais une fois que j’ai commencé à savoir jouer potablement, le répertoire de U2 est celui auquel je me suis attaqué avec plaisir (et coup de chance, la progression était logique, ce n’est pas aussi bidon que du Metallica mais on était encore loin de Clapton ou Led Zep).

J’ai été les voir deux fois en concert. Pour le Zoo TV tour, à mon grand dam j’étais trop jeune, mineur et fauché, et je l’ai raté, mais j’ai dû regarder la vidéo à Sydney des dizaines de fois. En revanche, en « vrai », j’ai vibré pour le Pop Mart tour (malgré la première partie à chier de Placebo qui s’est fait siffler par le public) et pour l’Elevation tour (avec Stereophonics en première partie, tellement bien que j’ai acheté le CD le lendemain). Je me suis levé à 4h du matin pour aller faire la queue pour le Vertigo Tour, ai attendu 5h dans le froid l’ouverture de la Fnac, puis 3h dans le chaud. Quand la personne devant moi (I shit you not) a été la dernière personne servie avant que la billetterie affiche complet, j’en ai eu les larmes aux yeux et n’ai donc pas assisté au Vertigo tour.

Puis arrive « No line on the horizon ». La jolie boite du collector ne m’a pas empêché de trouver cet album loin d’être aussi « Magnificent » que le titre de la meilleure chanson de l’album à mon goût. Et avec le recul, même si « How to dismantle an atomic bomb » était un très bon album, la dernière chanson que je trouve vraiment « GREAT » de U2, c’est « Elevation ». Depuis, ils font « juste » du très bon (HTDAAB) voire du bof, comme le dernier. Lors de l’annonce du concert, je ne me suis pas levé à 4h du matin pour attendre dans le froid. Je n’ai pas cherché à acheter une place sur eBay. Je n’avais pas envie d’entendre la nouvelle setlist sur scène.

Puis lundi, U2 lance une super expérience : diffuser son concert en direct sur YouTube. Original, et sympathique. Là, je me suis levé. Et me suis rendu compte que finalement, j’ai bien fait de ne pas me déplacer… Scène immense mais rien d’original (on est loin du mur de télés de Zoo TV ou du citron du Pop Mart), un Bono fatigué et… vieux. On savait que son opération de la gorge avant Pop avait réussi à sauver ses cordes vocales mais que ça ne serait probablement que temporaire, maintenant on en a la preuve. Fausses notes sur In a little while, I’ll go crazy et MLKVoix tremblotante et cassée sur Moment of surrender. Un Vertigo mou du genou. Des bribes de paroles dans le désordre et ré-improvisées en boucle sur Unforgettable fire. Un concert somme toute ultra-bof, pire que l'album.



Et c’est là que je me suis rendu compte de l’ « âge » de mes goûts musicaux. J’aime beaucoup certains groupes ou artistes récents (The Killers, Keane, Ladyhawke, Interpol, Pony Pony Run Run), mais à l’exception notable d’Amanda Palmer, aucun ne m’emplit du même enthousiasme que celui que j’ai pour les carrières de Bowie, Robert Smith, Bono et Morrissey. Et j’ai fait un bilan de ces artistes. John Lennon est mort un an après ma naissance. U2, je viens d’en parler. Le dernier album du Moz est bof (alors qu’avec You are the quarry et Ringleader of the tormentors il nous avait réappris à attendre beaucoup de lui). Le dernier Francis Lalanne est un crime contre la musique absolument inécoutable. Sur le dernier Depeche Mode, les meilleures chansons sont les remix rechantés de leurs anciens tubes sur le disque 3 du collector. Le dernier Cure est sympa mais sans une once d’originalité. Les deux derniers albums de David Bowie sont à mes yeux parmi les meilleurs de sa carrière, le Reality Tour reste l’un de mes meilleurs souvenirs en concert, mais après une attaque cardiaque dans ce même tour, il n’a plus rien produit et a pris (au moins) vingt ou trente kilos dans les dents, rattrapé karmiquement par son tube « Never get old ».

Je veux croire au fait que U2 ou The Cure sauront me surprendre sur leurs vieux jours et sortiront des perles équivalentes aux Heathen et Reality de Bowie, mais en toute objectivité il est fort probable que les « beaux jours » de mes artistes favoris sont derrière eux. J’espère au moins qu’ils sauront s’arrêter s’ils n’arrivent plus à se renouveler et sentent qu’ils deviennent de moins en moins bons, pour éviter de devenir des artistes has been au nombre de fans dégressifs enchaînant des tournées insipides.

Cette réflexion et ce coup de vieux m’ont fait réfléchir. Et si on commençait à vieillir dans sa tête au moment où ses idoles commencent elles-mêmes à vieillir ? Dans ce sens, peut être que la fan-attitude exagérée de mon père envers Hallyday depuis quelques années n’a rien à voir avec l’artiste en lui-même mais est plus un moyen de s’accrocher aux années de sa jeunesse dans les années 60 ? C’est un sujet à creuser.

Je me suis senti vieux, lundi, mais ce sentiment est vite passé. L’an prochain, je continuerai à appliquer ma méthode Bryan Adams et je fêterai mes vingt ans, comme chaque année, avec une grosse fête, parce qu’on n’a pas tous les jours vingt ans. Je réécouterai en boucle mes albums favoris de mes artistes, et achèterai encore les versions collector remasterisées des mêmes albums remplis de B-Sides et de rarities. Je vais vite oublier le concert décevant de U2 lundi, oublier le coup de vieux, et me remettre un coup de jeune.

Je vais me repasser le clip de Where the streets have no name...


La citation du jour : "Tu me fais porter des trucs lourds alors que je suis garé à 3 kilomètres"
La chanson du jour : 18 'till I die, Bryan Adams, "It's not how you look, it's what you feel inside, I don't care when - I don't need to know why, 18 'till I die - gonna be 18 'till I die! It sure feels good to be alive, someday I'll be 18 goin' on 55!"

Même si je me suis pris un coup de vieux, la vie est belle !

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